dimanche 15 novembre 2015

Tenir, Debout.


À qui se laisserait aller, dans ces jours étranges de désintégrité nationale, à la mélancolie ou au vœu pieu de la paix dans le monde – ce qui a bien y regarder est un peu la même chose – CORONADO et AMOK AMOR pousseraient un peu la côte du rire du pointu du pied. Il y a de la vie à revendre dans leur musique, le CEAAC strasbourgeois et la Reithalle d'Offenburg en garderont quelques séquelles lumineuses.

Coronado ? Yeah !
Au pire, un bien. Quatre mots qui sonnent avec le tintement du paradoxe, ce samedi au CEAAC. À la fois inquiétant mais aussi chargé d'un espoir pas piqué des hannetons. La formule n'est pas que jeu de mot, c'est aussi et surtout le titre de l'album de Coronado (à sortir en mars 2016). Un bien, c'est sans doute ce que l'on retiendrait du set du combo nouveau monté par le guitariste sur les cendres de son Urban Mood, si ne fallait n'en retenir qu'une seule idée. La joie de jouer coule à chaque mesure des fouilles arrangées par Franck Vaillant (drums), Antonin Rayon (keys) et Matthieu Metzger (sax) entre alarme et quiétude. Fouilles elles aussi, ordonnées par Gilles Coronado (Gibson SG, forcément) en forme de paradoxes flamboyants et incongrus. Il faudrait se lover dans le secret de titres comme La commissure des lèvres ou La fin justifie le début pour savoir tout à fait si cette musique vous saute à la gorge ou vous saute au cou. L'énergie et l'obstination des structures complexes relient la musique de Coronado à cette fameuse blague de la Unheilmliche, l'inquiétante étrangeté du père Sigmund. Cette musique oblige à la curiosité joyeuse, à mettre en veilleuse les questions et le doute. La paire Vaillant/Coronado aide à cela dans sa complicité puissante. Les deux autres voix ont le champ libre pour nous filer le ticket du voyage. Il y a face à la Californie une île nommée Coronado et assez de lumière avec pour y aller Wasted and whirling comme professe un des derniers morceaux du set de samedi. Ivres et tourbillonnants. Les 4 orpailleurs ont trouvé là leur devise.




Amok ? À mort !
« tout n'est pour moi qu'une histoire de flux », souriait un peu plus tôt en interview Gilles Coronado. Pas mieux. Amok Amor (ne pas confondre avec le Amor Amor d'Arielle Dombasle, ici la musique est garantie botox free) choisit lui aussi le jeu, le jeu et rien que le jeu. La règle en est lapidaire : le premier qui prend la parole aura raison de la rage collective. Le reste n'est qu'affaire de circulation de l'énergie la plus limpide et d'écriture méchamment de haute volée. Le quartet, dans sa facture classique formation, pourrait avoir repris l'étude du cadastre jazz là où le premier quintet de Miles l'avait laissé avec la chute de Trane. Classique, oui et c'est le joli cliché de départ qui fait heureusement long feu.
Le matériau thématique d'Amok Amor est définitivement d'aujourd'hui. Si Christian Lillinger, coiffé comme un Louis Garrel qui aurait appris à sourire, emprunte à la frappe bop, ses structures tracent l'espace pour ses trois comparses lancés têtes les premières dans ce post-post-bop hardcore mâtiné d'avant-garde. Ce dernier trait de caractère est sans doute du à la présence de Saint Peter Evans à la trompette. Phrasé détaché, sauts harmoniques réalisés avec souplesse des hanches, façonnage atrabilaire du souffle, son vocabulaire en constant développement vient corrompre de la plus classe des manières tantôt l'unisson parfait foré avec le sax de Wanja Slavin, tantôt la tourbe très mobile plaqué par l'autre Peter, Eldh. Chauffée à blanc, cette musique l'est. Élégante, cette musique l'est aussi. La démonstration et la performance sont restées au vestiaire. Hautement vivifiant, hautement salutaire. Relevez les bernes des drapeaux, ce quartet apatride se charge d'une possible réponse solaire à la poignée de sanglants salopards occupés à repeindre en rouge ce mois de novembre.

badneighbour

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