Smooth, propre und rein. le Julia Hülsmann 4tet feat. Theo Bleckman joue Kurt Weill.
Voilà au moins un set du festival où on ne parlera pas de
post-rock.
On a entendu Kurt Weill pillé par de nombreux musiciens
qui lui ont fait subir les glorieux otages. Parlons à peine ici de
Lou Reed, The Doors, Tom Waits pour la face rock, de Sonny Rollins,
Carla Bley ou Ella Fitzgerald. À Offenburg, le Julia Hülsmann trio
habite la Rheithalle en quintet et prend Kurt Weill par le bras et
l'angle de la ballade. Jazzdor et le Kulturburo d'Offenburg livre le
versant germain de Jazz Passage (cf. le versant français précédent
avec les concerts du début de semaine). Jazz passage ? Si, un
peu tout de même. Mais cette sagesse-là, un soir où un autre
France-Allemagne finit en détonations terribles, est bienvenue.
Kurt Weill et la ballade, donc. Julia
Hülsmann, à l'invitation du festival de Dessau, initie le projet de
déterrer quelques kunstlieder de Weill, compositeur en exil
ricain pour cause de nazisme. On connaît bien sûr Lost In The
Stars, One Touch Of Venus et les envolées façon Broadway
du Teuton splendide naturalisé US. On connaît beaucoup moins les
accointances poétiques avec Nash ou Whitman. Et ces découvertes
fondent le set du quintet et son art de la ballade. Ballade,
notons-le, à l'opposé de celle des pendus peinte par François
Villon. Le vent qui disperse les amis est ici une brise légère.
Légère mais cependant retorse au vu des changements d'accords
orchestrés par le clavier de Julia Hülsmann, prenant ici ou là des
accents et un toucher évoquant Marc Copland, s'amusant souvent aux
frottements des écarts de ton. Et ce, même si la reprise d'Alabama
Song du quintet sent beaucoup moins le schnaps que le Whiskey
Bar des Doors sentait le mauvais bourbon.
Hülsmann choisit deux hommes pour
l'épauler dans son détournement patrimonial. Le premier a une voix,
il s'appelle Theo Bleckman, autre allemand exilé aux States. À
l'entendre on pense évidemment aux androgynes dessinés par Otto Dix
mais, pas de chance, sans le rugueux et le criard à vif des couleurs
du peintre de cabaret. Beckman tape allègrement, lui, dans le
velouté lyrique (hello David Lynx !). Speak Low ou
September Song, très (très) suaves, voient le chanteur aux
prises avec un maniérisme hypra-ciselé qui vire au swing cubiste
quasi-cubain voire au proto-scat-drum'n'bass sur Beat, Beat Drums
mis en musique par Julia Hülsmann d'après les poèmes de Walt
Whitman.
Mais la pierre d'achoppement reste la
trompette agile de Tom Arthurs, illegitimate son of Chico
Farrill et Dave Douglas, qui vient glisser, avec bonheur, une
attitude free en regard totalement libre dans la matière du
trio Hülsmann. Cette dissonance impromptue vient tirer le set hors
de l'ornière ECM soft. Arthurs rend un morceau comme A Noiseless
Patient Spider, étiré du réseau, au statut une comptine
atmosphérique et inquiète qui laisse finalement de côté toute
velléité d'unisson tranquille par une juxtaposition délicate de
chants contraire. Sous la glace le plaisir, disait l'eskimo.
badneighbour
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