samedi 14 novembre 2015




NOVEMBER SONGS.

Smooth, propre und rein. le Julia Hülsmann 4tet feat. Theo Bleckman joue Kurt Weill.
Voilà au moins un set du festival où on ne parlera pas de post-rock.

On a entendu Kurt Weill pillé par de nombreux musiciens qui lui ont fait subir les glorieux otages. Parlons à peine ici de Lou Reed, The Doors, Tom Waits pour la face rock, de Sonny Rollins, Carla Bley ou Ella Fitzgerald. À Offenburg, le Julia Hülsmann trio habite la Rheithalle en quintet et prend Kurt Weill par le bras et l'angle de la ballade. Jazzdor et le Kulturburo d'Offenburg livre le versant germain de Jazz Passage (cf. le versant français précédent avec les concerts du début de semaine). Jazz passage ? Si, un peu tout de même. Mais cette sagesse-là, un soir où un autre France-Allemagne finit en détonations terribles, est bienvenue.
Kurt Weill et la ballade, donc. Julia Hülsmann, à l'invitation du festival de Dessau, initie le projet de déterrer quelques kunstlieder de Weill, compositeur en exil ricain pour cause de nazisme. On connaît bien sûr Lost In The Stars, One Touch Of Venus et les envolées façon Broadway du Teuton splendide naturalisé US. On connaît beaucoup moins les accointances poétiques avec Nash ou Whitman. Et ces découvertes fondent le set du quintet et son art de la ballade. Ballade, notons-le, à l'opposé de celle des pendus peinte par François Villon. Le vent qui disperse les amis est ici une brise légère. Légère mais cependant retorse au vu des changements d'accords orchestrés par le clavier de Julia Hülsmann, prenant ici ou là des accents et un toucher évoquant Marc Copland, s'amusant souvent aux frottements des écarts de ton. Et ce, même si la reprise d'Alabama Song du quintet sent beaucoup moins le schnaps que le Whiskey Bar des Doors sentait le mauvais bourbon.
Hülsmann choisit deux hommes pour l'épauler dans son détournement patrimonial. Le premier a une voix, il s'appelle Theo Bleckman, autre allemand exilé aux States. À l'entendre on pense évidemment aux androgynes dessinés par Otto Dix mais, pas de chance, sans le rugueux et le criard à vif des couleurs du peintre de cabaret. Beckman tape allègrement, lui, dans le velouté lyrique (hello David Lynx !). Speak Low ou September Song, très (très) suaves, voient le chanteur aux prises avec un maniérisme hypra-ciselé qui vire au swing cubiste quasi-cubain voire au proto-scat-drum'n'bass sur Beat, Beat Drums mis en musique par Julia Hülsmann d'après les poèmes de Walt Whitman.
Mais la pierre d'achoppement reste la trompette agile de Tom Arthurs, illegitimate son of Chico Farrill et Dave Douglas, qui vient glisser, avec bonheur, une attitude free en regard totalement libre dans la matière du trio Hülsmann. Cette dissonance impromptue vient tirer le set hors de l'ornière ECM soft. Arthurs rend un morceau comme A Noiseless Patient Spider, étiré du réseau, au statut une comptine atmosphérique et inquiète qui laisse finalement de côté toute velléité d'unisson tranquille par une juxtaposition délicate de chants contraire. Sous la glace le plaisir, disait l'eskimo.


badneighbour

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