Jazz sous Influences : #2 Portal / Parisien / Peirani
Les deux sets programmés par Jazzdor
jeudi 12, outre leur réussites, offrent quelques bribes de réponses
à la question de l'héritage dans le jazz actuel.
Héritage suite. Fascinant dans son
histoire, comme le jazz s'est écrit par bonds révolutionnaires
avalés par la tradition avant qu'une nouvelle révolte gronde. Ainsi
du swing dévoré par la Jungle croqué par le Bop lui-même mâché
menu par le Free, pour un résumé un peu leste.
Fascinant qu'un Sidney Bechet fasse
aujourd'hui vibrer les tempes grisonnantes, rassurées par sa
mélodie, alors qu'il plaçait en son temps un kick un peu marlou
dans la fourmilière des musiques de salon. Il faudrait rappeler au
besoin l'importance de Bechet pour un musicien comme John Coltrane.
Jeudi, à l'Illiade d'Illkirch, le trio
Michel Portal / Émile Parisien / Vincent Peirani rejouent un peu
l'histoire de ces sauts révoltés. Musique choyée à la croisée
des chansons d'amour jouées sur les places publiques et des
cabrioles complexes du free jazz, le chant populaire est ici rendu
dans toute sa noblesse. La mélodie est vissée à l'humeur des trois
musiciens que ce soit dans Egyptian Fantasy ou dans Temptation
Rag. Deux morceaux de Bechet justement.
On entend cela très clairement dans le
sax de Parisien, le cuivre solaire et turbulent de Bechet et la
première partie du set revisite avec justesse cet héritage de
dissidence passée. Revisiter n'est visiblement ni rénover ni
moderniser. Bechet a suffisamment chambardé d'idées étroites quand
il jouait qu'on peut considérer sans hésitation que Parisien ou
Peirani, marlous eux-aussi dans leur approche musicologique,
prolongent, n'inventent pas mais prolongent la sédition
bechettienne.
Et les deux jeunes jazzmen le font en
invitant Schubert à manger des huitres au son de secousses qu'on
jurerait descendues des biguines d'Henri Crolla, en invitant
l'auditeur à entendre dans le soufflet d'un accordéon les trilles
de Philip Glass et les grandes orgues de Saint-Pierre de Rome. Amen
(ou autre interjection sacrée) !
Michel Portal revisite lui aussi son
répertoire. S'il refuse une énième resucée de Mozambique,
il livre en duo ou trio des nouvelles visions de Blow Up ou de
ce magnifique « léger suspens qui s'en va » tiré
de sa partition pour le film Max Mon Amour d'Oshima (1986).
Dans la complicité solide qui le lie à ses deux jeunes colocataires
de scène, on peut lire, outre la surprise de le voir enfin sourire
en concert, la joie presque neuve de convoquer Ellington dans le même
mouvement que deux de ses amis, Henri Texier ou Bojan Z. Texier
électrisait, la veille D'Jazz à Nevers, avec un percutant Sky
Dancers. Portal affirme lui aussi qu'il y a encore de la musique dans
le jazz, qu'il n'est ni péremptoire ni intimidant mais que sa
complexité est faite pour la danse. Dont acte.
Badneighbour
Badneighbour
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