vendredi 13 novembre 2015


Jazz sous Influences : #2 Portal / Parisien / Peirani

Les deux sets programmés par Jazzdor jeudi 12, outre leur réussites, offrent quelques bribes de réponses à la question de l'héritage dans le jazz actuel.

Héritage suite. Fascinant dans son histoire, comme le jazz s'est écrit par bonds révolutionnaires avalés par la tradition avant qu'une nouvelle révolte gronde. Ainsi du swing dévoré par la Jungle croqué par le Bop lui-même mâché menu par le Free, pour un résumé un peu leste.
Fascinant qu'un Sidney Bechet fasse aujourd'hui vibrer les tempes grisonnantes, rassurées par sa mélodie, alors qu'il plaçait en son temps un kick un peu marlou dans la fourmilière des musiques de salon. Il faudrait rappeler au besoin l'importance de Bechet pour un musicien comme John Coltrane.
Jeudi, à l'Illiade d'Illkirch, le trio Michel Portal / Émile Parisien / Vincent Peirani rejouent un peu l'histoire de ces sauts révoltés. Musique choyée à la croisée des chansons d'amour jouées sur les places publiques et des cabrioles complexes du free jazz, le chant populaire est ici rendu dans toute sa noblesse. La mélodie est vissée à l'humeur des trois musiciens que ce soit dans Egyptian Fantasy ou dans Temptation Rag. Deux morceaux de Bechet justement.
On entend cela très clairement dans le sax de Parisien, le cuivre solaire et turbulent de Bechet et la première partie du set revisite avec justesse cet héritage de dissidence passée. Revisiter n'est visiblement ni rénover ni moderniser. Bechet a suffisamment chambardé d'idées étroites quand il jouait qu'on peut considérer sans hésitation que Parisien ou Peirani, marlous eux-aussi dans leur approche musicologique, prolongent, n'inventent pas mais prolongent la sédition bechettienne.
Et les deux jeunes jazzmen le font en invitant Schubert à manger des huitres au son de secousses qu'on jurerait descendues des biguines d'Henri Crolla, en invitant l'auditeur à entendre dans le soufflet d'un accordéon les trilles de Philip Glass et les grandes orgues de Saint-Pierre de Rome. Amen (ou autre interjection sacrée) !
Michel Portal revisite lui aussi son répertoire. S'il refuse une énième resucée de Mozambique, il livre en duo ou trio des nouvelles visions de Blow Up ou de ce magnifique « léger suspens qui s'en va » tiré de sa partition pour le film Max Mon Amour d'Oshima (1986). Dans la complicité solide qui le lie à ses deux jeunes colocataires de scène, on peut lire, outre la surprise de le voir enfin sourire en concert, la joie presque neuve de convoquer Ellington dans le même mouvement que deux de ses amis, Henri Texier ou Bojan Z. Texier électrisait, la veille D'Jazz à Nevers, avec un percutant Sky Dancers. Portal affirme lui aussi qu'il y a encore de la musique dans le jazz, qu'il n'est ni péremptoire ni intimidant mais que sa complexité est faite pour la danse. Dont acte.

Badneighbour




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