dimanche 8 novembre 2015

Jason Moran en quête de Toison d'or, à Jazzdor !


La 30e édition de Jazzdor se veut festive. Rien de mieux pour débuter que Jason Moran et sa Fats Waller Dance Party !

Au commencement de la vie, une pulsation. Et quand celle-ci émane d’un bassiste tel que Tarus Mateen, elle nous enveloppe ; elle nous invite. Cette invitation n’est pas la moindre des finalités du pianiste Jason Moran qui a façonné un combo de choc, prêt à soulever le dancefloor. Avec Charles Haynes à la batterie, l’artillerie est lourde et le beat irrésistible. La subtilité du placide trompettiste Leron Thomas n’y changera rien, la soirée s’annonce groovy. Et ce n’est pas la présence de Lisa E. Harris, généreuse, plantureuse, avec son sourire d’ange qui contestera le fait, bien au contraire. 

Avant même que Jason Moran ne signifie au public que celui-ci peut le rejoindre sur scène pour danser, les pieds tapaient déjà fortement la mesure. Généralement, en pareille occasion, les danseurs sont timides ; un petit groupe de quatre personnes s'aventure, brave l’inhibition le temps de deux ou trois chansons tout en sentant bien isolé, mais il suffit d’une rythmique plus électro pour qu’il soit rejoint par une bonne quarantaine de jeunes gens – et parfois moins jeunes ! – pour transformer la scène de la Cité de la Musique et de la Danse en véritable discothèque. Ça bouge de manière parfois désordonnée, ça se trémousse, ça se bousculerait presque, mais l’esprit de la soirée est là : un hommage dansant à l’immense figure de Fats Waller, le pianiste et organiste new yorkais de légende qu’incarne Jason Moran à la perfection, s’affublant même la tête d’un masque à son effigie, le chapeau sur la tête et la clope au bec.



N’empêche, l’émotion est là, et l’auditoire gigotant est bien obligé de ralentir le rythme quand Lisa E. Harris se fait plus susurrante, comme si elle cherchait à nous dévoiler un secret au creux de l’oreille. Ses « for you » qui se transforment sous l’effet d’échos subtils en « for you-ou-ou » langoureux nous vont droit au cœur ; la sensualité est là, la sensibilité aussi. 

Mais c’est sans compter ce diable de Tarus Mateen qui remet une couche de groove. Et voilà, la joyeuse colonie qui se remet en branle. Le clou de la soirée est ce passage tout à fait touchant où l’assistance féminine se relaie pour faire danser un gamin. Le petiot vit sans doute, sans bien s’en rendre compte, ses premiers émois : une femme, deux femmes, trois puis quatre, plus séduisantes les unes que les autres viennent le chercher, l’entraîner sur le devant de la scène dans une ronde qui devient étourdissante pour un môme de son âge. Jason Moran s’en amuse, et l’interroge : « What’s your name ? ». « Noé ! », répond le kid qui ne se laisse pas démonter par la situation. Jason part d’un fou rire, mais il comprend immédiatement la symbolique : ils sont tous deux des saviours, des sauveurs ! Par la rencontre à Jazzdor de Jason dans sa quête de la Toison d'Or du groove et de Noé, lové dans son arche soyeuse – le terme original pour l'arche était justement le mot “boîte” –, le monde peut-il être sauvé ? Avec cette relecture de Fats Waller et ces moult digressions funk, afro et latina, le monde non seulement peut être sauvé, mais il prend des allures de fête. Voilà une bien belle manière de débuter une édition ô combien prometteuse ! 

Par Emmanuel Abela


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